En mai 2016, j’ai eu la seule et unique révélation de ma vie (jusqu’à l’instant où j’écris ce blog post, en tous cas hahaha).
Six mois auparavant, alors que je venais d’avoir 35 ans, j’avais commencé à voir une psychologue, pour des problèmes d’anxiété, de manque de confiance en soi et d’irritabilité. Alors que je commençais tout doucement à dépatouiller l’espèce de pelote de laine toute emmêlée qui me servait de vie intérieure à l’époque, j’ai découvert un podcast qui a littéralement révolutionné ma trajectoire personnelle.
Grace à ce podcast et aux séances de psychothérapie, plusieurs éléments puissants se sont révélés a moi. Tout d’abord une incapacité chronique à être douce et bienveillante envers moi-même, qui me menait à des troubles du comportement alimentaire et une recherche incessante de validation par les autres (l’orthorexie, arme de choix des perfectionnistes). Il m’apparut aussi très clairement a cette époque que je portais en moi de nombreux complexes et traumas qui ne m’appartenaient probablement pas tout à fait : ils étaient ceux de mon père, de ma mère, de mes ancêtres, de ma culture, de mes ami.e.s, de mon pays, de ses valeurs patriarcales (aheum misogynes).
Avec le temps, j’ai compris que pour sortir de l’inconfort de mon expérience personnelle, pour travailler à dépatouiller les nœuds de ma pelote de laine, pour accepter qui j’étais vraiment, pour libérer ma voix et dénoncer les injustices, il me faudrait également me confronter à bon nombre de ces complexes, ainsi qu’aux multiples paradoxes qui les accompagnent.
Comme souvent en cas de crise, mon premier point de contention fut ma famille d’origine et mes ami.e.s les plus proches. Parce que nous sommes tous immergé.e.s dans la même ‘soupe’ culturelle, et parce que dans mon cercle personnel, comme peut-être, dans le vôtre :
La plupart des réunions démarre avec des commentaires (toujours bien intentionnés, mais parfois inconfortables) sur le poids, la beauté, l’apparence, la valeur morale de ‘rester mince et jeune’.
On a tendance à se fédérer autour d’habitudes alimentaires qui démonisent certains aliments et en encensent d’autres,
Le sport ou la salle de fitness sont des lieux de retrouvailles ou des « hobbies » partagés,
On se passe des idées ‘detox’ ou on ‘essaie’ de nouveaux régimes ensemble.
On passe nos séances de shopping à comparer nos ‘défauts’ ou à se trouver des ‘interdictions’ de porter certains vêtements compte tenu de notre âge/taille/sexe.
Se libérer de troubles du comportement alimentaire dans ce contexte où l’apparence est une notion omniprésente peut sembler vraiment difficile. Dans ce blog post, j’explore quelques pistes pour vous soutenir dans votre travail d’acceptation de soi, et comment ce processus impacte vos relations avec vos proches, s’ils sont eux-mêmes largement engagés dans la culture ambiante grossophobe et d’anxiété corporelle (ce que je ne juge absolument pas, d’ailleurs, puisque nous le sommes quasiment tous).
1/ Bienveillance. Tout en verbalisant nos limites.
Bien qu’AUCUN parent ne souhaite consciemment transmettre de valeurs de haine de soi à ses enfants (c’est plutôt l’effet de la culture dans laquelle nous évoluons tous), prendre conscience de la présence de ces croyances dans son entourage direct est déjà une étape importante pour avancer.
Parfois cette prise de conscience s’accompagne de sentiments de colère ou d’incompréhension, parfois même d’une pulsion très forte de vouloir ‘changer’ nos proches ou de leur faire ‘reconnaitre’ l’absurdité de leurs décisions quand il s’agit de nutrition ou de sport. En réalité, c’est l’opportunité de démontrer à nos proches et nos familles la même dose de bienveillance et de compassion que nous apprenons à nous témoigner personnellement, car ils sont tous probablement aux prises avec leurs propres difficultés d’image corporelle, et leur parcours est forcément différent du nôtre.
Néanmoins, cette bienveillance peut s’accompagner de limites claires, du type « Je suis en plein de travail d’acceptation personnelle, et j’aimerais te demander ton soutien en évitant de faire des commentaires sur mon poids ou mon apparence pour le moment. Peut-on rediriger nos conversations vers d’autres sujets, stp ? »
2/ Authenticité
Se montrer authentique et vulnérable est terrifiant, mais partager ce qui nous anime de manière profonde dans notre travail de rétablissement peut entrouvrir une porte vers plus de compréhension des uns et des autres, et ultimement nous rapprocher ou du moins instaurer une relation de respect, qui permet à chacun d’évoluer sur son chemin personnel, même s’il n’est pas tout à fait le même.
3/ Communauté
Si une remarque du type ‘ohlala mes cuisses ont l’air énorme dans ce pantalon‘ suscite instantanément un ‘oh arrête tu n’as pas vu les miennes !‘ de la part de nos proches, il est clair que nos problèmes d’image corporelle et d’estime de soi nous ‘fédérent’. Ils offrent ce mélange subtil de vulnérabilité et de proximité qui éclot dans un environnement de haine du corps. Or, accepter son corps tel qu’il est, c’est aussi refuser de critiquer ou détester son apparence non seulement intérieurement mais aussi ouvertement. Il nous faut donc refuser cette ‘communauté d’idées’ qui nous avait rapproché de nos amis ou des membres de notre famille, briser ce lien basé sur la haine du corps pour le réinventer ou en recréer d’autres.
Ce travail peut sembler anodin, sur papier, mais il s’apparente en réalité quasiment à un processus de deuil… Il nécessite beaucoup de temps, de tentatives et de déceptions, de patience et de persévérance.
Recréer une nouvelle communauté autour de valeurs d’acceptation de soi est crucial, c’est d’ailleurs à cet effet que les médias sociaux peuvent remplir un rôle important quand notre cercle direct est toujours concentré sur le culte de la minceur et du corps parfait. C’est aussi pourquoi on propose une communauté virtuelle pour toutes les personnes detentrices du livre « Je n’ai plus mes regles ».
Garder en tête que chacun évolue à son rythme, et trouver des outils pour se conforter soi-même si nécessaire (méditation, self-care) sont des atouts précieux dans ce travail de distanciation.
4/ En dernier recours : se préserver
Si vous avez essayé toutes les autres avenues ci-dessus, mais vous ne vous sentez pas ecouté.e.s ou respecté.e.s dans votre évolution, il faut parfois savoir se donner de l’espace. Pour certain.e.s, cela peut vouloir dire prendre des distances physiques, pour repenser à ses propres valeurs, et les établir avec davantage de clarté. Evidemment, je ne vous recommande pas de vous isoler complètement, mais plutôt de faire confiance à vos sensations et à votre instinct (ainsi qu’à votre psychologue, si vous en voyez un).
Quand vous ressentez des sentiments difficiles ou négatifs par rapport à votre image corporelle à chaque rencontre avec telle personne, et que cette dernière transgresse vos demandes verbales de limites sans même y prêter attention, votre dernier recours est de vous protéger de cette influence, du moins de manière temporaire, pour potentiellement y revenir quand vous vous sentirez plus affirmé.e.s dans votre corps et votre identité pour y refaire face avec plus de sérénité. Il s’agit de vous donner le temps de retrouver votre équilibre dans un système de valeurs plus inclusif et plus positif. Laisser le temps faire son travail est donc un élément important. Avec patience et tolérance.
Portez-vous bien !
Excellent article. L’expérience personnelle a été le déclencheur du chemin vers le « mieux être « . Nous sommes certainement nombreuses et nombreux à avoir vécu des situations ou des perceptions similaires. Merci