Interview avec Julie Duffy-Dillon, diététicienne spécialiste du SOPK et des troubles du comportement alimentaire, et Dr Nicola Rinaldi, co-autrice de « No Period, Now What? »
Retranscription traduite en Français du All In Podcast, épisode 5. Episode original en Anglais disponible ici.
Florence Gillet :
Bienvenue dans notre épisode spécial sur les différences et les similitudes entre l’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle et le syndrome des ovaires polykystiques. Alors, Julie, pourriez-vous vous présenter et expliquer un peu ce que vous faites ?
Julie Duffy-Dillon :
Bien sûr, je suis une diététicienne agréée aux Etats-Unis, et je travaille de manière inclusive avec des personnes à tous poids. J’aide les personnes atteintes du SOPK à arrêter les régimes, à changer leur état d’esprit pour s’accepter enfin et à se remettre de troubles alimentaires pour promouvoir la santé et plaider pour de meilleurs soins pour tous. J’ai travaillé individuellement avec des clients pendant environ 20 ans et aujourd’hui je forme d’autres praticiens à faire de même, et j’ai aussi des cours pour les personnes atteintes du SOPK qui veulent apaiser leur relation à la nourriture et au corps tout en gérant leur SOPK. J’ai aussi un podcast qui s’appelle « Love, food » où des gens avec un historique de régime yo-yo ou de TCA, qu’ils soient atteints du SOPK ou non, décident de transformer complètement leur expérience avec la nourriture.
Dr Nicola Rinaldi :
Super ! Alors en ce qui concerne le SOPK, les critères classiques de diagnostic sont au moins deux sur trois de ces critères : 1/ absence ou irrégularité des règles, 2/ ovaires polykystiques, 3/ hyperandrogénie (physique – acné, hirsutisme ou biochimique – dans les analyses de sang). Selon votre expérience, Julie, comment le SOPK se manifeste-t-il dans la vie réelle des gens ? Quelles sont les manifestations typiques que vous voyez ?
Julie Duffy-Dillon :
Vous savez, la plupart des gens à qui j’ai parlé ont eu des difficultés avec leur corps d’une manière ou d’une autre, peut-être que c’est à cause de ces règles irrégulières ou de l’infertilité. Ielles sont allés chez le médecin parce que quelque chose n’allait pas, mais ielles n’ont pas vraiment été capables de comprendre ce que c’était. Et en même temps, ielles ont été renvoyées du cabinet médical avec des remarques du genre : « Oh, vous devez juste perdre du poids. » Mais attention, le SOPK peut survenir a tout poids ou toute taille !
On dit souvent aux personnes qui ont le SOPK et un poids élevé que ce poids est la cause de la maladie, ou que si ielles perdent du poids, quoi qu’ielles éprouvent (des sautes d’humeur ou l’infertilité ou des poils sur leur visage, de l’acné, peu importe) va disparaitre aussi. C’est FAUX. Et les informations que les gens obtiennent sont du genre « Oh oui, assurez-vous de faire un régime, de supprimer ce groupe d’aliments, de perdre du poids, ou simplement de ne pas en prendre. Voici la pilule et revenez quand vous essayez d’avoir un bébé »
Dr Nicola Rinaldi :
L’habitude de prescrire la pilule pour « résoudre » des soucis de règles est très répandu dans la communauté médicale. Il semble que chaque fois que quelqu’un a des problèmes de règles, il prend la pilule et ça va tout arranger, mais c’est oublier que la pilule ne s’attaque pas à la cause sous-jacente du problème.
Florence Gillet :
Et puis c’est comme si, dès que tu voudras avoir un bébé, on va arranger ça. Mais parfois, il faut une éternité pour que notre corps revienne à un stade où il peut être à nouveau fertile. Je pense donc que c’est tout simplement irresponsable, dans un sens, de ne pas vraiment chercher les causes sous-jacentes du problème. Et je trouve formidable que vous disiez également que les personnes atteintes du SOPK se présentent sous toutes les formes et dans toutes les tailles parce que c’est quelque chose que nous disons aussi sur l’AHF. C’est donc intéressant parce que je pense aussi que nous entendons beaucoup, parfois le terme « SOPK maigre » comme si, vous savez, le SOPK était par nature pour les personnes non minces, ce qui pour moi, est une expression qui est juste entachée de grossophobie. Mais quelle est votre expérience de cela ? Et diriez-vous qu’il existe différents types de SOPK ou que c’est du pareil au même ?
Julie Duffy-Dillon :
Non, je n’aime pas non plus l’expression « SOPK maigre ». D’abord parce que, bien souvent, lorsque les gens se font soigner, ils n’ont jamais rencontré leur prestataire de soins auparavant. Et donc, les prestataires de soins de santé jugent de la taille du corps à ce moment précis. Et ce que j’ai appris au cours des 20 dernières années, en travaillant avec des personnes atteintes du SOPK, c’est que les gens ont tendance à faire des régimes draconiens – à supprimer des quantités importantes d’aliments, des groupes d’aliments, énormément de calories. Et même si le poids de ces personnes ne diminue pas forcement, les gens font vraiment des efforts immenses. Et donc, quand un médecin se dit : « Oh, vous devez avoir le « SOPK maigre » parce que vous n’êtes pas dans un corps plus large », je me dis : comment savez-vous ce qu’ils ont fait ? Avez-vous demandé comment ils mangent ou si leur corps a changé ?
Et je ne suis certainement pas quelqu’un qui est spécialiste des pathologies ou des diagnostics, mais quand je vois des patient.e.s qui ne présentent pas d’hyperandrogénisme (hormones males élevées), je dois m’interroger sur ce type de SOPK (qu’on denomme parfois « maigre »). Pour moi c’est souvent là qu’intervient le chevauchement avec l’AHF, il se peut donc que le diagnostic du SOPK soit erroné, qu’il s’agisse en fait d’une AHF.
Encore une fois, je ne suis pas une experte dans ce domaine, mais c’est mon intuition. Parce que la majorité des personnes avec lesquelles j’ai travaillé au fil des ans avec le SOPK ont répondu aux trois critères. Et elles ont également des niveaux d’insuline très élevés. Il n’est pas « nécessaire » sur papier d’avoir les trois critères, mais honnêtement, la plupart des personnes avec lesquelles j’ai travaillé ont eu les trois.
Dr Nicola Rinaldi :
Les erreurs de diagnostic sont fréquentes chez les personnes qui souffrent d’aménorrhée. Aussi car à l’échographie, on leur dit qu’elles ont des ovaires polykystiques, simplement car leurs ovaires sont remplis de follicules. Mais ce n’est pas suffisant pour établir un diagnostic fiable. Il y a d’ailleurs un chapitre de mon livre intitulé HA versus PCOS (qu’on peut télécharger gratuitement sur noperiod.info/HAvsPCOS), parce que je pense qu’il est très important pour les gens d’obtenir le bon diagnostic. Surtout à cause du type de recommandations pour la guérison. Ainsi, si vous souffrez d’AHF, les recommandations consistent essentiellement à augmenter les apports alimentaires, donc les quantités, manger tous les groupes alimentaires, supprimer les exercices à haute intensité et, en réponse classique à une personne atteinte du SOPK, on lui dit tout le contraire, comme d’arrêter les glucides, de manger le moins possible et de faire autant d’exercice que possible, ce qui serait apparemment pour faire disparaître tous les symptômes du SOPK. Je sais donc que ce n’est pas la façon dont vous traitez les gens. Nous aimerions donc en savoir plus sur vos recommandations. Et, vous savez, si vous pensez qu’il devrait y avoir une différence dans les recommandations pour les deux, ou si elles sont en réalité similaires ?
Julie Duffy-Dillon :
Je pense que cela dépendrait, mais je veux tout d’abord parler de l’intersection entre l’AHF et le SOPK et sur mon expérience avec celle-ci. Vous savez, quand je voyais des clients individuellement, des personnes qui se rétablissaient d’un trouble alimentaire, parfois on leur diagnostiquait un SOPK et après quelques temps, on se disait : « Oh, vous savez, les gens ont vraiment besoin d’attendre probablement une bonne année après leur rétablissement physique et alimentaire, cad avoir assez de nourriture pour un an, et laisser le temps a leur corps de se rétablir avant de vraiment se prononcer sur un diagnostic« . Et puis, après une bonne année, il était plus clair que, Oh, non, c’était bien l’AHF et pas le SOPK.
Dr Nicola Rinaldi :
Les hormones ont tendance à faire des choses bizarres quand on se remet de régimes à répétition et d’un excès d’exercice. Je suis donc tout à fait d’accord avec l’idée de donner à votre corps le temps de récupérer et de s’installer dans un schéma plus « normal » – hors du déficit calorique.
Julie Duffy-Dillon :
Tout à fait. Et vous avez demandé en quoi les recommandations diffèrent ou simplement quelles sont les recommandations traditionnelles du SOPK et en quoi les miennes sont différentes. Et je pensais, à une personne atteinte d’AHF qui serait mal diagnostiquée avec le SOPK et, souvent, les recommandations sont du genre : Mettons vous sous Metformin pour réguler vos problèmes d’insuline. Et la Metformine est très douloureuse pour ceux d’entre vous qui en prennent. Mais à part les problèmes liés au tract gastro-intestinal, quand mes clients atteints du SOPK commencent à utiliser un outil qui les aide à réduire leur taux d’insuline, une fois que les symptômes gastro-intestinaux ont disparu, ils se sentent tellement mieux. A l’inverse, mes clients qui avaient une AHF ne se sont pas sentis mieux sous Metformin. C’est pourquoi il est important d’aider les gens à faire une pause lors de leur rétablissement de TCA, avant de vraiment décider s’ils ont un SOPK.
Dr Nicola Rinaldi :
Oui, c’est, c’est vraiment utile d’entendre ça.
Julie Duffy-Dillon :
Dans le cas d’une AHF, les niveaux d’insuline n’ont pas besoin d’être contrôlés, ils n’ont pas besoin de ce genre de médicaments pour se sentir mieux.
Florence Gillet:
Une chose que je voulais ajouter à propos de ce que vous avez dit en termes d’attendre une année complète, je pense qu’il est vraiment, vraiment important de répéter cela à quiconque nous écoute, parce que ce que je trouve, c’est que, pour les personnes en guérison d’une AHF, quand elles retrouvent leurs règles et après trois cycles, parfois elles paniquent parce qu’il se passe autre chose et elles commencent à présenter différents symptômes qui font partie de leur parcours de guérison. Le problème, c’est que si elles paniquent immédiatement (alors qu’elles auront aussi pris plus de poids que ce qu’elles avaient potentiellement espéré), elles iront alors voir leur médecin et celui-ci va lui aussi flipper. Et peut leur dire : « Bien sûr, vous avez pris du poids. Voilà, c’est le SOPK. » Puis cela renforce en quelque sorte l’idée que si elles avaient continué à suivre un régime, elles ne seraient pas dans cette situation. Et donc, ça renforce le côté mental du TCA, qui refait surface et dit « vous voyez ? vous avez perdu le contrôle et vous avez cédé, et vous avez juste mangé tous les aliments et maintenant vos hormones sont totalement déréglées« . Je pense donc qu’il est vraiment essentiel pour les personnes qui nous écoutent et qui sont dans ce processus de guérison, de donner aussi le temps dont leur corps a besoin pour se sentir à nouveau en équilibre. Je suis donc très heureuse que vous ayez dit cela, parce que j’ai l’impression que nous nous battons contre ce phénomène qui fait que les femmes paniquent et je comprends parfaitement que c’est beaucoup à assumer et que la guérison n’est pas facile, mais il faut vraiment avoir énormément de patience et de bienveillance pour son propre corps.
Julie Duffy-Dillon :
Et je pense aussi que cela souligne à quel point cette grossophobie est problématique et nocive, et où, en tant que prestataires de soins, il est si important pour nous de nous assurer que nous examinions nos propres craintes et croyances, et comment la prise de poids est aussi un merveilleux signe de récupération, c’est comme si votre corps aidait à guérir de tout cela. Et je pense que si nous n’étions pas aussi effrayé.e.s par la prise de poids en tant que culture, alors il ne serait pas aussi difficile de se rétablir d’un TCA. Beaucoup moins douloureux.
Florence Gillet :
Et j’ai l’impression que cela commence à être un peu plus fréquent, que nous commençons à entendre davantage parler de la stigmatisation du poids, de la façon dont elle informe les soins médicaux et blesse vraiment les gens à long terme, en tue même certains parce qu’ils ne reçoivent pas les soins dont ils ont besoin, mais c’est aussi à cause de cela que certaines femmes ne reçoivent pas le soutien dont elles ont besoin pour se rétablir d’une aménorrhée hypothalamique parce qu’on leur dit sans cesse qu’elles sont « de taille normale ». La grossophobie participe de tant de manières différentes à toutes sortes de problèmes. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre façon de travailler avec les patients atteints du SOPK et comment vous les aidez à se sentir mieux ?
Julie Duffy-Dillon:
Nous savons que la plupart des prestataires de soins de santé recommandent aux gens diagnostiqués avec un SOPK de perdre du poids ou de s’assurer qu’ils n’en prennent pas trop. Nous savons qu’il y a des recommandations pour supprimer les glucides et/ou le sucre, et des recommandations de régimes assez drastiques, même si les recherches scientifiques ne soutiennent pas ces recommandations. Il y a d’ailleurs un guide du SOPK publié en 2018 et basé sur des preuves scientifiques. Et l’une des grandes parties de la section sur le régime alimentaire dit « Aucun régime ne semble aider réellement la plupart des personnes atteintes du SOPK à améliorer leur santé« . Mais malheureusement la conclusion des chercheurs est tout de meme de dire: « Alors, choisissez n’importe quel régime ! ».
Florence Gillet :
Mais non !
Julie Duffy-Dillon :
Nous devons trouver une autre façon de traiter ce syndrome. 3000 personnes ont participé à ce guide du SOPK basé sur des études scientifiques qui sont censées être complètes et importantes. Et vous savez, la chose qui était vraiment géniale à voir, c’était la discussion sur l’image corporelle et les troubles du comportement alimentaire, les troubles de l’humeur, le diabète et tous ces sujets normalement centrés sur le poids. Et bien le guide annonce que le poids n’a rien à voir avec les raisons pour lesquelles les personnes atteintes du SOPK ont un diabète gestationnel. Cela a quelque chose à voir avec les raisons pour lesquelles les personnes atteintes du SOPK ont un pré-diabète ou un diabète. Mais juste a cote de ça, il y a quand même des « mais nous devons quand même aider les gens à perdre du poids à cause de l’obésité » dans le même guide ! C’est juste incroyable !
Donc il n’est pas surprenant que quand vous alliez chez le médecin, il vous dise « je ne me soucie pas vraiment de la raison pour laquelle vous êtes ici, mais parlons de votre poids et de ce que vous avez fait pour perdre du poids. Et, bien sûr, voici un contraceptif »
Ce que j’ai découvert, lorsque je voyais des gens avec le SOPK en tant que diététicienne spécialisée dans les troubles alimentaires, la plupart des gens arrivaient avec des envies de glucides vraiment intenses. Et ielles se décrivaient comme « accros à la nourriture » ou « boulimiques » ou « mangeurs compulsifs » ou « hyperphages ». Et lorsque j’ai commencé à poser les bonnes questions, j’ai découvert qu’en fait, la plupart de ces client.e.s étaient très restrictif.ve.s. Et je ne vais pas citer les quantités de calories, mais sachez que c’était moins que ce que mange un enfant de 2 ou 3 ans. Et ce n’était pas seulement une personne, mais des centaines de personnes dans cette situation. Ielles se disent « Comme mon médecin me recommande de limiter mon apport calorique à XYZ, en vrai je ne mangerai que X et Y ». Et comme cela doit être frustrant pour un patient d’entendre dans la bouche de leur médecin « Il est évident qu’il vous faut manger moins de cette nourriture » là où en fait ils mangent beaucoup, beaucoup moins que ce que demande le médecin. Et donc quand j’ai découvert que les gens étaient tellement restrictifs et que, soit ils avaient cette relation avec le sport qui ressemblait à de la torture et à une punition, soit ils n’avaient tout simplement pas l’énergie du tout pour faire de l’exercice, il m’a semblé clair que trouver des moyens de s’assurer que les gens améliorent leur relation avec la nourriture en mangeant finalement une quantité qui ressemble à celle d’un adulte, était mon premier objectif. Et ce que j’ai remarqué, c’est que les gens commençaient tout juste à se remettre de leur trouble du comportement alimentaire, ils commençaient à se sentir mieux, et leurs envies de glucides n’étaient plus aussi intenses. Et je pense que les envies de glucides du SOPK sont différentes de celles des personnes sans SOPK. Et je dois aussi mentionner que je n’ai pas de SOPK. Et donc, je suis vraiment reconnaissante que mes patients m’aient aidée à apprécier leur expérience et leur vécu, mais je dois dire que je ne le comprendrai jamais complètement. Mais lorsqu’une personne est si restreinte et ne mange pas assez, les envies sont constantes tout le temps. Et donc, en creusant un peu plus et en me formant un peu plus, j’ai découvert si les personnes atteintes du SOPK mangeaient suffisamment de nourriture, au moins trois repas par jour et quelques collations, sans éliminer des groupes d’aliments, leurs envies étaient plus tolérables. Et en plus de cela, il semble que les personnes atteintes du SOPK ont probablement besoin de plus de protéines que la moyenne. C’est peut-être à cause de la forte circulation de l’insuline ou d’un déséquilibre hormonal, ou simplement parce que le corps est épuisé, mais mes clients m’ont dit que consommer plus de protéines tout au long de la journée, encore une fois, sans éliminer les glucides et les graisses, leur fait dire « Je n’ai plus cette baisse d’énergie après le déjeuner » ou « j’ai beaucoup moins de fringales. »
Un autre point important est le repos. La plupart des personnes atteintes du SOPK font toutes sortes de choses pour leur entourage et s’épuisent vraiment et ont du mal à s’imposer des limites. Au travail. Ou avec la famille. S’assurer qu’ils prennent soin d’eux-mêmes, qu’ils dorment bien, mangent suffisamment, c’est tout le contraire de ce qu’ils faisaient auparavant. Ce sont les deux premières choses que je veux que les gens fassent.
Et après quelques mois de repas plus fréquents, de nourriture suffisante et de repos, c’est généralement à ce moment-là que les clients arrivent et se disent : « J’ai ce sentiment bizarre, j’ai envie de bouger mon corps. Je ne sais pas ce que c’est ? » Et il y a beaucoup de honte, bien sûr, pour mes clients qui ont longtemps entendu que leur corps n’était pas acceptable. Parce qu’il était trop large ou « hors norme », parce qu’ielles n’étaient pas vraiment à l’aise avec le sport, ou au contraire, parce qu’ielles avaient une relation très punitive avec le sport, du genre : « Oh, je dois faire du sport pour pouvoir manger. » Et il y avait beaucoup de compulsions et donc le fait de vouloir bouger, parce que ça leur fait du bien, ielles ne savent pas toujours comment je faire ça sans réactiver leurs anciennes habitudes. Et donc, il faut être très doux avec ça. Qu’il s’agisse simplement d’expérimenter différents mouvements qui sont agréables et vous apportent du bien-être et vous aident à vous sentir bien dans votre corps. Et honnêtement, le type d’exercice dépend totalement de la personne. Il y a des personnes atteintes du SOPK qui adorent courir des marathons et sont vraiment rapides. Mais la plupart des personnes avec lesquelles j’ai travaillé, une fois qu’elles mangent suffisamment et retrouvent un certain équilibre tout en se détachant des injonctions au régime, se tournent vers une forme de mouvement de moindre intensité, comme marcher, nager ou danser. Pas forcément tous les jours, mais régulièrement, parce que ça leur fait du bien. Ils aiment ça. Et du coup c’est durable.
En plus de tout cela : manger, se reposer suffisamment, bouger, un autre élément, c’est aussi de trouver des outils qui aident à réduire le niveau d’insuline. Des études montrent que 75 à 95 % des gens souffrant du SOPK ont un taux d’insuline élevé. Et c’est ce qui peut faire que les gens se sentent épuisés, qu’ils ont des envies incontrôlables de nourriture et qu’ils dorment très mal. C’est pourquoi les gens prennent parfois de la Metformine ou ils peuvent essayer un supplément d’Inositol. Et je sais que l’insuline est en grande partie responsable du lien très fort entre le SOPK et les régimes, car l’insuline est une hormone de croissance, qui fait prendre du poids. Donc à cause de cette crainte, on recommande de supprimer les glucides ou le sucre ou faire plus d’exercice. Et ça peut aider pendant quelques semaines ou quelques mois, mais les recherches scientifiques ne garantissent pas cet effet sur le long terme. C’est la même chose pour le diabète. Donc pour beaucoup de personnes, les médicaments ou les suppléments, combinés à une alimentation suffisante va les aider à traiter ces niveaux élevés d’insuline, à long terme. Voilà en quelques mots comment je procède. Et je sais que c’est tout à fait à l’opposé de ce que font les professionnels de la santé en ce moment, mais peu importe !
Dr Nicola Rinaldi :
Mais c’est fascinant pour moi parce que ces recommandations sont très similaires à celles que nous donnons pour retrouver un cycle hormonal ! Bien s’alimenter, manger de tout et dans les quantités dont votre corps a besoin, se reposer. Et l’une des choses que je trouve vraiment intéressante dans ce que vous avez dit est que la peur du diabète imprègne une grande partie de ce qu’on nous dit en termes de ne pas manger de glucides, ne pas manger de sucre, c’est souvent dans une crainte du diabète. Donc il est très intéressant que vous disiez que vous ne considérez pas que le fait de manger tous les aliments joue un rôle dans cette situation. Et qu’il s’agit plutôt d’utiliser des outils individuels pour aider à diminuer le taux d’insuline. Pensez-vous vraiment que la façon dont vous mangez ou le mode de vie pourrait causer le SOPK? Ou est-ce génétique ? Qu’en pensez-vous ?
Julie Duffy-Dillon :
Ce que nous savons du SOPK et du diabète, c’est qu’ils sont encore essentiellement génétiques. Souvent transmis par les familles. Et donc ce qu’une personne mange ou ce qu’elle pèse n’est pas une cause. Et j’aimerais que plus de personnes atteintes du SOPK le sachent et entendent qu’elles ne sont PAS la cause de leur SOPK, que ce n’est pas lie à leur poids ou à ce qu’elles mangent (ou pas). Et il y a plus de 30 ans, les gens ne parlaient pas autant de cycles menstruels, de saignements et d’ovaires. J’imagine donc que cette information, si quelqu’un était diagnostiqué avec le SOPK dans la famille, on n’en parlait pas vraiment parce que c’était comme un tabou. Et ce que je sais du SOPK, c’est que l’effet régime yo-yo est l’expérience que vivent la plupart des gens qui suivent un régime (parce que les régimes ne sont pas durables ), perdre puis reprendre du poids en continu est un prédicteur de boulimie, ou de TCA. Donc, avant tout, nous devons vraiment nous assurer que nous aidons les personnes atteintes du SOPK à éviter cet effet yo-yo. C’est une grande partie du travail que je fais avec mes client.e.s. Comment pouvons-nous vous aider à prévenir la perte et reprise de poids de manière cyclique ? Et je suppose que c’est la même chose avec l’AHF : comment pouvons-nous vous aider à prévenir les restrictions et à vous assurer que vous ingérez assez de calories pour que nous puissions maintenir cette situation à long terme ? Comme nous vivons dans une société ou tout le monde est poussé à limiter la quantité de nourriture qu’il consomme, nous devons toutes les deux nous assurer d’abord d’aider les gens à manger suffisamment pour qu’ils se sentent mieux.
Florence Gillet :
C’est donc un cercle vicieux parce que si nous ne vivions pas dans une culture de la minceur et que cette dernière ne nous était pas constamment imposée comme la seule voie vers le succès, le bonheur et la santé ; alors, on ne se retrouverait pas dans des situations difficiles d’AHF par exemple. Et tout cela contribue à nous faire sentir encore plus mal. Et tout cela participe aussi de cette idée que la nourriture va tout résoudre, ou qu’elle va causer tous vos problèmes. C’est donc la même chose pour toutes les campagnes visant à réduire l’obésité. Et on continue à entendre que si les gens ne mangent pas bien, c’est parce qu’ils ne choisissent pas les bons aliments ou qu’ils en mangent trop. Ou bien à cause de l’industrie agro-alimentaire qui crée beaucoup d’aliments « vides » de nutriments, mais on oublie qu’il y a tant d’autres facteurs en jeu. Et comme vous l’avez dit, que la génétique est évidemment un facteur énorme, qu’ aucun.e d’entre nous ne peut vraiment contrôler de quelque façon que ce soit. Et puis, vous savez, il y a notre environnement. Si vous avez vécu dans la pauvreté, quel genre de traumatisme avez-vous subi ? Avez-vous été discriminé en raison de votre taille ? Et c’est pourquoi nous voulions vous inviter, parce que vous avez cette connaissance du fait que le poids ne devrait pas être pris en compte dans toute cette situation. Que vous fassiez régime pour perdre une taille et rentrer dans une robe avant le mariage de votre sœur, ou que vous le fassiez pour la « santé » ou votre SOPK, les régimes ne fonctionnent tout simplement pas.
Julie Duffy-Dillon :
Et je pense aussi à tant de gens avec qui j’ai travaillé qui me disent : « Oh, je n’ai pas vu de médecin depuis 10 ans. » Et je me dis, ah bon, mais pourquoi ? Mais bien sûr, c’est à cause de la stigmatisation dont ils ont fait l’objet, la honte d’aller chez le médecin et de se faire entendre dire la même chose. Et l’évitement des soins de santé est un problème très important pour le SOPK. Et je pense à la façon dont cela conduit à la progression du diabète, plus qu’à manger « trop », ou à prendre du poids. L’évitement des soins de santé et l’effet yo-yo des régimes. Ce sont les deux choses qui auront le plus grand impact pour aider les personnes atteintes du SOPK, à gérer leur santé de manière durable, à se sentir mieux et à soutenir la fertilité et à tout autre type de symptômes qu’elles éprouvent avec le SOPK.
Florence Gillet :
Et je pense que comme Nicola l’a dit, il est vraiment intéressant que ces recommandations soient très, très proches de celles que nous donnons comme approche #allin parce qu’en fin de compte, la plupart du temps, et peut-être Nicola, vous voulez continuer sur cette note ? On dit souvent : si vous finissez par avoir les deux problèmes (AHF et SOPK) (ce qui peut arriver parfois), il vous faudra tout d’abord résoudre votre AHF et ensuite vous monitorerai vos symptômes pour confirmer un SOPK après un certain temps. Mais en réalité, lorsque vous expliquez comment vous travaillez, Julie, il me semble que la solution est plus ou moins la même pour les deux conditions de toute manière.
Julie Duffy-Dillon :
Oui, je pense que chez quelqu’un qui souffre à la fois d’AHF et de SOPK, il s’agira vraiment de gérer son insuline après la guérison de l’aménorrhée. En prenant un supplément ou de la metformin, cela aiderait globalement et vous aussi à améliorer leur humeur. Beaucoup de personnes atteintes du SOPK ont tendance à l’anxiété ou à la dépression. Un désensibilisant à l’insuline aidera donc à l’ovulation, a l’humeur mais aussi au sommeil. Il suffirait d’ajouter cette petite aide supplémentaire pour que tout se passe bien. Et je me demande encore une fois, je n’y ai pas encore vraiment réfléchi, mais si les soins centrés sur le poids n’étaient pas si importants, c’est probablement ce que toutes les personnes atteintes du SOPK devraient faire. Point final. Et du coup je me dis : « Oh mon Dieu, ce serait tellement plus facile pour les gens. Ils n’auraient pas à subir tous ces régimes pour finalement savoir ce qui les aide. »
Florence Gillet:
Avec un peu de chance, un jour, ce sera une réalité, non ?
Julie Duffy-Dillon:
Oui. Un jour
Florence Gillet :
Vous avez parlé de certains des critères de diagnostic. Et vous avez dit que la plupart des gens que vous avez vus, avaient les trois manifestations qui seraient considérées comme symptomatiques du SOPK (règles irrégulières ou absentes, ovaires polykystiques à l’échographie, hyperandrogénisme). Y a-t-il d’autres symptômes qui peuvent parfois se manifester ?
Julie Duffy-Dillon :
Oui. Le syndrome métabolique. Un taux de cholestérol élevé, une hypertension artérielle, puis des troubles de l’humeur. Vous savez, ce sont toutes des choses que je vois souvent, surtout dans ce groupe de personnes qui ont ces trois critères.
Dr Nicola Rinaldi:
Ah c’est vraiment intéressant. Les personnes atteintes d’AHF ont souvent aussi un taux de cholestérol élevé, et je pense que cela est lié au fait de ne pas avoir de cycle menstruel, car le cholestérol est un élément constitutif de l’œstradiol et de la progestérone. Et donc, si ces hormones ne sont pas relâchées régulièrement, si le cholestérol n’est pas utilisé comme un élément de base, alors vous savez, peut-être qu’il n’a pas vraiment d’autre endroit où aller. Il s’accumule alors un peu plus.
Julie Duffy-Dillon :
Vous pensez donc que c’est aussi ce qui se passe avec le SOPK ? C’est pourquoi, pour le cholestérol, il pourrait être intéressant de découvrir s’il y a une différence dans l’hypercholestérolémie chez ceux qui n’ont pas de règles du tout, par rapport à ceux qui en ont occasionnellement, et je pense que ce serait fascinant. Et encore une fois, bien sûr, la réponse de nombreux médecins est : « Oh, eh bien, vous devez manger mieux et faire plus d’exercice pour réduire votre cholestérol. » Alors qu’en réalité, ils mangent déjà extrêmement « healthy » Donc, oui, c’est vraiment un gros problème dans le monde du SOPK. Beaucoup de mes clients m’ont dit qu’ils mangeaient beaucoup de fruits et de légumes, ou qu’ils suivaient un régime strict depuis des années. Mais que ce n’était toujours pas suffisant pour leur prestataire de soins, qui ne les croient pas et les soupçonnent de mentir, simplement car ils vivent dans un corps « gros ». Ce qui est tellement triste.
Bonjour Florence, je viens d’écouter le podcast qui était très intéressant et fais écho à ce que j’ai vécu. Cela fait bientôt 3 ans que j’ai arrêté la pilule après non loin de 15 ans de prise continue (une seule « pause » de 3 mois durant laquelle je n’ai pas eu mes règles). J’ai retrouvé des cycles, mais à l’exception d’un cycle de 32 jours (déc 2019-janv. 2020), ils durent en moyenne 45-60 jours. Je peux donc exclure à proprement parler de souffrir d’AH mais est-ce que les principes du « All in » s’appliquent également pour recouvrer des cycles réguliers et d’une… Lire la suite »
Oui tout a fait!