Je situe mes premiers souvenirs de perfectionnisme vers 8 ou 9 ans. Je commençai alors à tenter d’obtenir les meilleurs points de la classe, me plaçant ainsi en compétition directe avec une de mes camarades pour la toute première fois. Je n’étais auparavant pas une élève médiocre, mais je me rappelle de développer une véritable obsession sur le fait de devancer le reste de la classe. Mes parents n’avaient jamais mentionné quoi que ce soit à ce sujet, il était uniquement issu de mon petit cerveau, tout à coup décidé à me comparer constamment aux autres pour ensuite me rappeler sans arrêt que je ne suis pas à la hauteur et qu’échouer n’est pas une option. Aujourd’hui, il ne me parait pas anodin que cette nouvelle ‘habitude’ vit le jour alors que mes deux parents venaient de recevoir des diagnostics de maladie chronique et irréversible, qui plongea ma famille dans une profonde incertitude émotive. Aujourd’hui maman, je reconnais la tendance des jeunes enfants à essayer de ‘résoudre’ les problèmes de leurs parents, persuadés que leur comportement est la source des soucis parentaux. Bien entendu, cela n’est qu’un leurre grossier… Mais je digresse.
Vingt ans plus tard, je pensais toujours trouver un certain répit du dialogue intérieur négatif grâce au contrôle extrême de mon apparence et de ma vie. Je voyais ma tentative d’éviter tout avis négatif et toute critique comme l’antidote à un manque chronique de confiance en moi. Mais bien entendu, comme l’écrit Brené Brown, ce perfectionnisme était en réalité hautement toxique.
“Le perfectionnisme est un bouclier pesant que vous trimbalez en pensant qu’il va vous protéger, alors qu’en réalité il vous empêche de prendre votre envol.”[i]
Sous ses apparences protectrices, la recherche de perfection nous empêche de tenter de nouvelles approches, ou même de célébrer nos petites victoires mais aussi nos échecs (sans échec, pas d’apprentissage possible). Elle nous emprisonne dans un cycle continu de dialogue dénigrant envers nous-mêmes et nous garde enfermé(e)s dans une estime de soi désastreuse. Cela nourrit ainsi le cercle vicieux qui nous convainc que perdre du poids ou avoir un corps qui rencontre les standards (inatteignables) de beauté nous mettra enfin sur le chemin de la validation exterieure.
Comment en sortir ?
Quelques habitudes simples marquèrent le début de mon travail pour désamorcer peu à peu l’emprise du perfectionnisme sur ma vie. Même si j’ai aussi eu besoin de thérapie cognitive et comportementale, ces habitudes continuent à faire partie de ma routine quotidienne, surtout quand mon anxiété et mon manque de confiance en moi pointent le bout de leurs nez.
1/ Choisissez la bienveillance en lieu et place de votre dialogue intérieur négatif. Imaginez que vous parlez à une sœur, un(e) ami(e) ou un enfant lorsque vous vous adressez à vous-même. Il ne vous arriverait jamais de répondre à un enfant qui essaie de faire quelque chose de nouveau et échoue : ‘Tu es nul et pathétique, je savais que tu n’y arriverais pas ! Surtout n’essaie plus! Tu me fous la honte’… Donc ne le faites pas pour vous-même non plus.
2/ Dissociez pensées et actions. Lorsque votre dialogue intérieur apparait dans toute sa cruauté, apprenez à ne pas réagir avec un contrôle plus strict de votre corps / régime alimentaire / vie. Reconnaissez que vos pensées ne sont que ça : DES IDÉES. Les écrire dans un journal, ressentir les émotions qui les accompagnent (pour ensuite les laisser de côté) peut aussi être bénéfique.
3/ Faire face à une anxiété accrue lorsqu’on abandonne peu à peu le bouclier protecteur que l’on pensait posséder en visant la perfection n’est pas rare. Il est important d’y répondre par des activités qui apportent calme et réconfort. Certains apprécieront la méditation, d’autres le sport ou le jardinage. D’autres encore auront besoin de parler à un proche. A vous de trouver ce qui vous convient et peut être déployé lorsque vous en ressentez le besoin.
4/ Prenez l’habitude de lister vos gratitudes de manière quotidienne, dans un journal, dans votre smartphone, à votre partenaire ou demandez carrément à tous les membres de votre famille de partager les leurs lors du diner en famille. Lister ses ‘kifs du jour’ de manière régulière établit une attitude plus positive et bienveillante envers soi et un état d’esprit où le processus est considéré plus important que le résultat.
Enfin, rappelez-vous que malgré toutes vos bonnes intentions, personne n’est capable de contrôler les opinions des autres. Il est temps d’enfin mettre votre propre opinion de vous-même au centre de vos préoccupations. Abandonner le perfectionnisme prend du temps et beaucoup d’efforts, mais cela s’apprend et je suis de plus en plus sûre que c’est véritablement possible. En tous cas, je ne m’arrêterai pas d’essayer!
[i] Brene Brown, la grâce de l’imperfection