En écoutant un podcast l’autre jour, j’ai réalisé quelque chose d’important. Souvent, notre besoin de modifier notre apparence ou notre régime alimentaire apparait en réponse à des périodes de la vie où nous ressentons une certaine impuissance, un manque cruel de contrôle sur notre situation. Parfois ce besoin de contrôle sur notre corps survient comme un réflexe perfectionniste dans des situations de danger, et peut servir de mécanisme de protection et de survie (dans une relation abusive par exemple)[i] Mais le plus souvent, il survient simplement parce que la vie est (temporairement) dictée par des facteurs extérieurs à soi : travail, famille, santé, difficultés financières, de couple ou émotives.
Je n’y fais pas exception. Il n’est pas anodin que mes tentatives de modifier mon corps, mon régime alimentaire, mon exercice physique commencent lors de ma toute première expatriation, à l’âge de 25 ans. Je n’en ai pas conscience à l’époque, mais soudainement, je suis confrontée à un isolement qui m’était jusqu’alors inconnu. Je suis projetée dans une métropole que je connais peu, je perds l’accès quotidien à mes proches et ami.e.s intimes, je rejoins un nouvel employeur dans une langue qui n’est pas la mienne et ma seule attache émotive sur place – mon mari – est largement absent, car il travaille alors 15 à 20 heures par jour (NB : je ne blâme en aucun cas mon mari qui tentait lui-même de survivre dans un environnement de travail ultra-exigeant). Ajoutons-y mon anxiété chronique et une tendance marquée au perfectionnisme suite à des traumatismes acquis pendant l’enfance et voici le parfait terreau pour chercher à contrôler quelque chose, n’importe quoi.
Nous sommes à l’ère pré-Facebook, et les magazines dont je suis alors une avide lectrice me mettent sur la voie : tout ce dont j’ai besoin pour me sentir mieux, c’est un derrière en béton, des jambes fuselées et un régime alimentaire strict. A moi le calcul de calories et la salle de gym, apparemment synonymes de bonheur et succès garanti ! Bien sûr, dès que je m’engage sur cette voie, je valide mes propres attentes de perfectionniste (il suffit de compter, peser, mesurer et il y a une formule claire à suivre…tout à l’opposé du caractère naturellement nébuleux et complexe de la gestion de mes émotions) et mes ‘efforts’ sont immédiatement reconnus et célébrés par mes collègues. Je suis prise au piège de la confusion entre minceur et valeurs morales.
Ce qui apparaissait alors comme une stratégie de contrôle de mes émotions devient rapidement une obligation. Et bien sûr, à mesure que je mange moins et fais plus d’exercice, ou que je m’impose toujours plus de règles à suivre, mes hormones du stress augmentent et ma cognition diminue. Et comment gérer plus d’anxiété ? La solution repose très certainement dans un régime encore plus restrictif et davantage de sport, non ? C’est un cercle vicieux… Mais pourquoi je vous raconte tout ça ?
Si, comme moi, dans des situations de stress, largement hors de votre contrôle, votre premier réflexe est de vous pencher sur votre image corporelle et de souhaiter modifier votre apparence, rappelez-vous qu’il s’agit d’une de vos anciennes stratégies de sauvegarde et soyez bienveillant.e.s envers vous-mêmes. Puis, posez-vous 4 questions avant de vous engager dans des initiatives visant à modifier votre apparence:
Quel est le bilan de cette tendance au contrôle?
Quand le contrôle devient un refuge, il est automatique, on ne le plannifie même plus, on le subit, trop inquiète de la peur/frustration/culpabilité qui apparaitra si on ne l’applique pas à 100% chaque instant de chaque jour. Mais prenez un moment pour réfléchir concretement à l’impact de ce contrôle accru – avantages et inconvénients. Ecrivez-les dans une liste à deux colonnes. Demandez de l’aide à une personne de confiance si c’est trop compliqué par vous-même.
De quoi ai-je RÉÉLLEMENT besoin à cet instant précis ?
Rappellez-vous que l’image corporelle fluctue selon les jours, les humeurs, les conditions extérieures. Il est NORMAL d’avoir des jours où on est pas tout à fait en en accord avec son apparence. Ces jours là, prenez le temps de pondérer vos envies, revenez à des exercices de respiration et de méditation, ou à un hobby qui vous permet de vous déconnecter de vos angoisses pour un moment et de recréer un lien entre corps et esprit. Pour certain.e.s c’est le yoga, pour d’autres juste une balade dans la nature. Danser seule en sous-vêtements dans son salon ou chanter des tubes des 70s à tue-tête dans sa voiture sont aussi des options valables ! (Si vous ne savez pas ce qui peut fonctionner pour vous, voici ma liste de self-care pour inspiration)
Quelles émotions se cachent derrière mon besoin de modifier mon apparence ?
Peur ? frustration ? isolement ? colère ? Je sais combien il est difficile ne serait-ce que d’entendre ce qui se passe à l’intérieur de soi, et combien on peut s’en sentir déconnecté, surtout quand on vit dans un corps dénutri! En plus de manger mieux, il peut être utile d’écrire ou de parler à quelqu’un de confiance dans votre cercle privé, ou à un professionnel de la santé mentale (idéalement spécialisé dans les TCA). Une pratique réguliere de la pleine conscience et de l’auto-compassion peut aussi vous permettre de mieux appréhender votre vie intérieure et donc moins la craindre ou vous en éloigner.
Puis-je calmer mon stress sans controler mon apparence ?
Lors d’un suivi avec mon diététicien pendant ma rechute en 2016, alors que je refusais l’idée de prendre à nouveau du poids, il a eu une question qui a déclenché beaucoup de choses en moi: « Ressentais-tu rééllement plus de confiance en toi et de bien-etre quand tu étais à ton poids le plus bas? » Je fus bien obligée de répondre que c’était tout l’inverse. Au plus je controllais mon corps, au plus je me trouvais des défauts et des zones « problématiques », trop engoncée dans ma propre dysmorphophobie pour réaliser quoi que ce soit. Résultat: on se tue pour obtenir un corps qu’on continue à detester et à blesser.
Rappelez-vous que tenter de modifier son apparence n’est jamais sans conséquences, et ne garantit pas forcément un mieux-être ou une plus grande confiance en soi. Interrogez-vous d’abord sur d’autres modalités de gestion du stress : avez-vous besoin de repos ? Comment est votre sommeil ? Comment utilisez-vous votre énergie ? Souffrez-vous de carences en vitamines et minéraux ? D’un manque de lumière naturelle ? Comment rechargez-vous vos batteries ? Pouvez-vous réduire vos niveaux de stress, de manière quotidienne, grâce à des petits actes de self-care ou une meilleure gestion de votre temps et de vos ressources? Est-il nécessaire de mettre des limites plus claires (= dire non) ou de demander de l’aide pour mieux vous sauvegarder, à la maison ou au bureau ?
Puis, peu a peu, alors que vous apprenez à prendre soin de votre mental, lâchez prise sur les règles et les interdits. D’abord sur des petites choses faciles, puis challengez vous sur des repas, un changement de routine sportive, des horaires, des circonstances. Avant et après chaque tentative de lâcher prise, prenez soin de vous grace à vos techniques de self-care, puis prenez le temps de noter que les effets catastrophiques que vous aviez imaginé au moindre relâchement …ne se produisent pas! Répétez chaque challenge jusqu’à ce qu’il n’en soit plus un.
Et comme toujours, faites-vous accompagner si cela vous semble insurmontable. Le meilleur investissement possible est celui que vous faites en vous!
J’espère que cela vous parle et vous inspire! Pour réserver votre premiere consultation avec moi ou acheter le livre, c’est ici.
Notes
[i]Si vous suspectez que c’est votre cas, je vous recommande de travailler avec un professionnel de la santé mentale sur le lâcher prise, car il vous faudra avancer de manière très progressive et lente pour reévaluer ces mécanismes de protection, et éventuellement les abandonner.