Tout comme le poids, la discrimination basée sur les problèmes de peau est une réalité. Et elle s’enracine dans notre obsession grandissante avec la notion de santé.
En démarrant ma pratique de coach et ce blog, les liens entre acné et régimes restrictifs m’ont semblé tout à coup évidents. En effet, c’est suite à des poussées d’acné adulte que je me suis dirigée vers un régime très strict, qui m’a ensuite précipitée vers des troubles du comportement alimentaire, et a donné lieu à de nombreuses craintes d’ingrédients alimentaires que je jugeais ‘responsables’ de l’inflammation de ma peau. En réalité, la situation n’est pas si simple. Souffrir d’acné chronique touche également à l’équilibre hormonal d’une personne mais aussi au stress ou à l’environnement dans lequel elle évolue, donc cette idée de contrôle du problème simplement via la nourriture est réductrice.
Néanmoins, au-delà de mon cas personnel, les liens entre la stigmatisation du poids et des problèmes de peau (quels qu’ils soient : acné, psoriasis, eczéma, vitiligo ou autres) dans notre société me sont apparus tout à coup de manière beaucoup plus proéminente. Il me semblait donc intéressant d’y réfléchir un peu plus, et de vous emmener avec moi dans cette réflexion.
Commençons par le commencement : que recouvre la stigmatisation du poids ? L’association américaine des troubles du comportement alimentaire (NEDA) nous fournit cette définition :
“La stigmatisation du poids est une forme de discrimination ou de stéréotype basée sur le poids d’une personne. Cette stigmatisation peut aggraver l’insatisfaction de l’apparence corporelle, un des facteurs de risque pour le développement de troubles du comportement alimentaire (TCA). Un autre facteur de risque est de vivre dans une société ou les normes culturelles idéalisent la minceur.
Malgré sa prévalence, la stigmatisation du poids est dangereuse et peut augmenter les risques de problèmes comportementaux et psychologiques, dont la dépression, une image corporelle négative ainsi que des épisodes de compulsion alimentaire.”[i]
En partant de cette définition, peut-on donc trouver des parallèles entre l’impact de problèmes de peau (acné ou autres) (en jaune ci-dessous) et du poids (en turquoise) sur la santé physique et psychiques des victimes de ces stigmatisations ?
- Les deux stigmatisations mènent à de la discrimination, de la honte (souvent ressentie publiquement) et à l’obtention constante de conseils non sollicités (souvent de la part d’inconnus). Une fois internalisées, ces épisodes engendrent une insatisfaction corporelle et une sensation d’échec personnel.
Poids
Dès 2001, des chercheurs déclarent qu’une stigmatisation constante et une discrimination du poids peut être constatée dans [au moins] trois situations de vie importantes : l’emploi, l’éducation et la sante. Et à l’époque déjà de nombreuses autres discriminations sont également suspectées dans, par exemple, les procédures d’adoption, l’accès au logement etc.[ii] Celles-ci se sont avérées correctes par la suite.
Problèmes de peau
En 2016, une recherche commissionnée par la British Skin Foundation découvre que presque 60% des personnes souffrant d’acné ont été victimes d’insultes verbales à cause de leurs problèmes de peau.
2. Les deux stigmatisations sont ancrées dans une culture dont l’obsession sous-jacente avec la santé mène les individus à idolâtrer des standards inatteignables de beauté et de minceur. Ces considérations alimentent à leur tour des intérêts purement capitalistes et commerciaux.
La stigmatisation du poids apparait dans les sociétés qui venèrent la minceur en l’associant à la santé et la moralité. Ces sociétés oppressent les gens non minces dans l’obligation de poursuivre un objectif de perte de poids grâce à des régimes restrictifs, dont l’efficacité n’est absolument pas prouvée à long terme[iii]. Cette stigmatisation nourrit une industrie de la ‘perte et gestion du poids’ qui devrait atteindre USD 278.95 milliards par an globalement en 2023[iv]
Avec un marché mondial des cosmétiques en passe d’atteindre USD 863 milliards d’ici 2024[v], la santé et la beauté sont rarement présentées en dehors de l’idéal (principalement blanc) a la peau parfaite. Les campagnes de marketing ne mettent en scène que des images outrageusement retouchées qui nous familiarisent avec une peau sans aucun pore, ride, décoloration ou défaut. Ce standard est désormais adopté par les consommateurs eux-mêmes, via les filtres et programmes d’édition intégrés aux applications de médias sociaux et aux smartphones. Partant de là, se confronter à la réalité peut susciter une sensation de déception et d’inadéquation, et fait des individus souffrant de problèmes dermatologiques des proies faciles pour l’industrie des cosmétiques qui promet des solutions miracle et ajoute toujours plus de produits sur le marché. Fin 2018, la bloggeuse Em Ford, en partenariat avec Vincent Walsh, Professeur de recherche cérébrale au University College de Londres, a prouvé que les ‘standards [inatteignables] de beauté’ mis en avant par l’industrie cosmétique ont un impact négatif (associé a un syndrome de stress post-traumatique) sur notre psychologie et notre estime de soi. (Voir la vidéo complète ici)
3. Les deux stigmatisations augmentent de manière dangereuse les risques de problèmes psycho-comportementaux, comme une image corporelle négative ou de la dépression
En 2018, des chercheurs confirment que les gens souffrant d’acné avec une stigmatisation élevée constatent également une qualité de vie amoindrie, des niveaux de stress accrus et d’autres symptômes physiques.[vii] Dans une autre étude menée auprès d’un million de britanniques pendant 15 ans dans le ‘Journal anglais de Dermatologie’ en 2018 a conclu que la probabilité de développer une dépression majeure était de 18.5% pour les patients souffrant d’acné contre 12% pour les autres. Le risque le plus élevé était dans la première année d’apparition de l’acné, avec une augmentation de probabilité de dépression de plus de 63% pour les personnes souffrant d’acné.[viii]
Tout cela est assez révélateur et inquiétant, n’est-ce pas ? Mais dans les deux cas : le problème n’est pas vous ! Vous n’êtes pas ‘brisé.e.s’ à jamais ou incapables de volonté. Non, le problème est l’environnement socioculturel qui nous parle sans arrêt d’atteindre un objectif de perfection, avec des moyens dont l’efficacité est quasiment nulle. Grace aux activistes anti-grossophobie et body positive (trouvez ces ressources ici en Français et ici en Anglais), nous savons qu’il est possible de défier les croyances ancrées en nous sur notre poids (ce dernier qui, par ailleurs, ne nous renseigne absolument pas sur la santé ou la moralité de qui que ce soit), pour reprogrammer notre système de valeurs, et le recentrer sur ce qui compte véritablement : nos qualités et notre personnalité profonde.
De la même manière qu’il est possible de se réconcilier avec son image corporelle à tout poids (en lire plus ici), il est possible de s’accepter quel que soit l’état de notre peau, en travaillant sur nos émotions, nos croyances et nos pensées. Je vous propose d’aborder quelques-unes de ces pistes de travail dans un post séparé, à découvrir la semaine prochaine. Entretemps n’hésitez pas à me communiquer vos sentiments par rapport à l’article ci-dessus et à suivre les activistes ‘skin positive’ listé.e.s ici. Prenez soin de vous et à bientôt !
[i] https://www.nationaleatingdisorders.org/weight-stigma
[ii] Obes Res. 2001 Dec;9(12):788-805. Bias, discrimination, and obesity. Puhl R1, Brownell KD.
[iii] https://christyharrison.com/blog/what-is-diet-culture
[iv] Orbis Media
[v] Zion Market Research
[vi] Impact of weight stigma on physiological and psychological health outcomes for overweight and obese adults: A systematic review, Ya?Ke Wu Diane C. Berry, 23 November 2017
[vii] Stigma predicts health-related quality of life impairment, psychological distress, and somatic symptoms in acne sufferers. Jamie Davern, Aisling T. O’Donnell. Published: September 28, 2018
[viii] Vallerand, Isabelle & Lewinson, Ryan & Parsons, Laurie & Lowerison, Mark & Frolkis, Alex & Kaplan, G.G. & Barnabe, Cheryl & Bulloch, Andrew & Patten, Scott. (2018). Risk of depression among patients with acne in the U.K.: A population-based cohort study. British Journal of Dermatology. 178. 10.1111/bjd.16099.