Article traduit de l’anglais, rédigé avec Dr Aarti Javeri-Mehta, Sustain Health, pour le magazine Goodness.
Il est 11h du matin et vous avez déjà faim. Vous décidez que ce n’est pas l’heure du déjeuner et au lieu d’honorer votre appétit, vous buvez un grand verre d’eau, vous vous distrayez avec Instagram ou vous allez vous promener, afin d’attendre qu’une heure plus « acceptable » pour déjeuner arrive enfin. Le reste de la journée se déroule d’une manière assez banale : salade vers 13h, comme d’habitude, puis un café ou deux dans l’après-midi, dîner léger. Mais peu après, devant Netflix, vos pensées ne cessent de converger vers la crème glacée stockée dans votre congélateur.
Finalement, vous cédez : sans même prendre le temps de mettre la crème glacée dans un bol, vous plongez votre cuillère dans le pot avec avidité et le finissez sans prendre le temps de réfléchir. Une sensation de chaleur et de confort vous envahit… jusqu’à ce que, quelques minutes plus tard, votre anxiété monte en flèche et s’accompagne d’une grosse vague de culpabilité : comment ai-je pu manger autant de crème glacée ? Pourquoi suis-je la SEULE personne sur terre qui ne peut pas « contrôler » ses envies ? Vous décidez officiellement que la faim est votre pire ennemi.
La réalité est que vous n’êtes pas seul.e.s, et que ce scenario est loin d’être inhabituel. Lorsque nous essayons de contrôler, d’ignorer ou de repousser à plus tard nos sensations de faim, nous travaillons en fait CONTRE notre biologie. Et comme souvent, la Nature reprend tôt ou tard ses droits.
Chaque fois que nous limitons notre apport alimentaire, même si ce n’est que de quelques dizaines de calories (et bien que ces tentatives puissent nous permettre de perdre un peu de poids à court terme), notre corps l’interprète comme » famine « . Cette situation active les hormones du stress : l’adrénaline et le cortisol augmentent, comme mécanisme de survie pour retenir les réserves de glucose, de graisses et d’énergie afin de s’assurer que nous soyons capables de chercher, puis trouver de la nourriture rapidement…. Notre métabolisme, quant à lui, ralentit pour préserver l’énergie et nos niveaux de ghréline, l’hormone de la faim, commencent à augmenter progressivement. Il en résulte une obsession accrue sur la nourriture et une augmentation de l’appétit, qui peut parfois conduire à des moments de « frénésie » alimentaire. Pourquoi le corps répond-il de cette manière ? Car donner la priorité à l’alimentation et à la satiété est un mécanisme de survie crucial en cas de famine imminente.
Mais pourquoi avons-nous si peur de notre appétit ?
À bien y réfléchir, l’appétit, c’est la vie ! Et manquer d’appétit est en général un signe de santé précaire. Pourquoi le craignons-nous autant ? Notre peur de la faim est enracinée dans la grossophobie de la culture ambiante dans laquelle nous évoluons tous, bien malgré nous. Nous sommes terrifiés à l’idée de devenir gros.se.s. Et c’est une crainte légitime, dans un environnement qui ne cesse de nous rappeler – injustement – qu’un poids corporel élevé est associé à de la paresse, de la discrimination et du dégoût. Et bien que la plupart d’entre nous intériorise ces croyances grossophobes sans jamais les remettre en question, aucune d’elles n’a de preuve scientifique. Au contraire, les études scientifiques démontrent deux éléments importants:
Notre poids ne peut être maintenu plus bas que nature à long terme.
Oui, les régimes peuvent nous faire perdre quelques kilos à court terme, mais ils laissent généralement derrière eux toute une série de problèmes hormonaux qui nous font généralement reprendre le poids perdu (ou plus) d’ici 2 à 5 ans. Plus l’alimentation est stricte, plus l’effet yo-yo est important.
Le corps humain existe naturellement dans la diversité, et non dans une minceur universelle.
Si l’on s’en remet à une alimentation intuitive, on peut réapprendre à ressentir nos sensations de faim et de satiété, sans s’obséder sur chaque miette de nourriture. Le métabolisme peut aller de l’avant, brûler davantage de calories et utiliser les nutriments de manière plus efficace, sans avoir à déclencher l’alarme de ‘famine’ et son yo-yo constant entre sous-alimentation et suralimentation, entre culpabilité et honte.
Je vous entends à présent me répondre : « Mais faire régime et me restreindre, c’est tout ce que je connais ! Que puis-je faire désormais pour réellement prendre soin de mon poids et de ma santé ? »
La meilleure façon d’atteindre votre poids naturel et de vous sentir enfin « normal.e.aux » autour de la nourriture est de vous débarrasser de l’idée que vous DEVEZ contrôler votre poids. Notre poids, comme notre taille, est largement influencé par notre patrimoine génétique, ce n’est pas « juste une question de volonté ».
Rappelez-vous également que pour évaluer la santé d’une personne, il y a en réalité beaucoup plus de facteurs à prendre en compte que le poids, la nourriture et l’exercice physique, et certains échappent à notre contrôle direct : par exemple l’accès à des soins de santé de qualité, le statut social, l’environnement dans lequel nous avons grandi, si nous avons connu des traumatismes ou des discriminations dans le passé, etc. Il est aussi important de ne pas confondre santé avec minceur, surtout si cette dernière favorise des comportements alimentaires dangereux (sauter des repas, fumer, se faire vomir, etc).